Voici l’appel à la contribution pour le numéro de septembre 2019 de la revue “Viaggiatori” (www.viaggiatorijournal.com), qui aura comme thème “Voyages vers le Nord, voyages vers les pays froids”.
Dans l’esprit de la revue, à caractère interdisciplinaire, on accueillera les propositions de spécialistes en littérature, historiens, anthropologues et chercheurs dans le domaine politique, économique ou scientifique.
Informations pour l’envoi des propositions :
Les propositions en langue française, italienne ou anglaise (2000 signes, espaces compris), accompagnés d’une courte présentation biographique, sont à envoyer avant le 15 décembre 2018 à la responsable du numéro :
Alessandra Orlandini Carcreff : alessandra.carcreff @ gmail.com
Les propositions et les articles seront soumis à une double lecture. Les articles des contributeurs sélectionnés (55000 signes maximum, espaces et notes inclues) seront à envoyer avant le 30 avril 2019.
L’appel à la contribution est disponible en anglais et en italien. Il pourra être communiqué par mail sur simple demande.
Texte de l’Appel à Contribution :
« Le sentiment de l’isolement et de l’abandon remplit l’âme du voyageur qui traverse ces déserts du Nord. Rien ne vit autour de lui, tout est silencieux et mort. » (Charles Martins, 1866)
La représentation du Nord de l’Europe a beaucoup changé au fil des siècles.
Dans le monde gréco-romain, le concept de Nord était toujours très relatif et non relié à une précise région géographique, de même que le terme *Septentrion*, qui localisait une zone nordique qui s’élargissait d’est en ouest, de la Britannia à la Germania et à la Scythie, était assimilé parfois à la Bulgarie, d’autres fois à la Roumanie, à la Hongrie, à la Pologne ou à la Russie. Le Nord d’Homère était le pays des Cimmériens (c’est-à-dire au nord de la mer Noire), alors que pour Ptolémée, c’était le pays des Finnoi, des tribus finnoises ou lapones, qui n’étaient pas bien localisées. Il est bien compréhensible que, quand Pythéas de Marseille revint de son long périple dans la mer du Nord, aucun savant ne lui ait fait confiance, son Peri tou Okeanou étant considéré comme un recueil de fables. Il fallut attendre Pline l’Ancien, Tacite et Ptolémée pour identifier d’abord la Scandia (la partie méridionale de la Suède) et ensuite la Scandinavie.
Si la culture classique a le grand mérite d’avoir fait connaître le Nord de l’Europe dans ses œuvres littéraires et géographiques, elle est aussi responsable de l’image (très tacitéenne) d’un Septentrion obscur, inhabitable à cause du climat et en général négatif ; Adam de Brème et Saxo Grammaticus contribuèrent à la fixer dans la littérature médiévale. Tous ces savants fondaient leurs affirmations sur les ouvrages de référence classiques et sur les témoignages des marins et des marchands, les seuls à avoir parcouru ces régions extrêmes, pour en rapporter les fourrures et le célèbre ambre de la Baltique. Mais enfin, à partir du xve siècle, on commença à avoir quelques relations très intéressantes des premiers voyageurs (Pietro Querini, Paul Jove, Alessandro Guagnini) et trois œuvres savantes, qui peuvent être considérées encore aujourd’hui comme les fondements de la connaissance du Nord à l’époque moderne, même si encore liées à la mentalité médiévale car écrites en latin : ce sont les ouvrages de Jacob Ziegler, d’Olaus Magnus et de Johannes Scheffer. Si Ziegler reprit l’image barbare et sauvage des peuples du Nord, Olaus Magnus et Scheffer publièrent des études monographiques fondamentales pour la diffusion de la connaissance des pays nordiques en Europe. Leurs ouvrages furent souvent cités (et copiés) par les premiers voyageurs du xviie et xviiie siècle, mais on les trouve encore parmi les sources de la littérature de voyage du xixe siècle.
La paix du Cateau-Cambrésis en 1559 assura une certaine stabilité politique dans l’Europe centrale et méridionale, ce qui favorisa la grande saison du Grand Tour, sur les pas des anciennes civilisations, en Italie, en France et en Grèce. On a la preuve de cette tendance avec le nombre réduit de voyageurs dans le Nord de l’Europe. Par contre, à partir du xviie siècle, la guerre de Trente Ans, la Révolution française et les guerres napoléoniennes produisent une progressive instabilité politique et économique de l’Europe centrale et du Sud, ce qui amène les voyageurs à choisir les parcours nordiques, plus sûrs et moins dangereux, au moins au niveau politique. Au cours du xviie siècle, le Nord est difficilement choisi à cause du « petit âge glaciaire », qui rend les régions nordiques peu attractives, mais sans doute plus sûres.
Le xviie siècle voit donc apparaître les premiers vrais voyageurs dans le Nord ; la Laponie représente l’exotisme et attire les curieux européens. La Finlande, par contre, reste plutôt ignorée jusqu’au xixe siècle, car lorsqu’elle fait partie de la Suède, elle n’est qu’une province lointaine. Après la conquête russe, les voyageurs commencent à chercher à comprendre l’intérêt que le tsar y trouve. En outre, la cession du pays par la Suède à la Russie, sans trop de considération pour le peuple, contribue à réveiller l’instinct national chez les Finnois, qui se mettent à étudier leur ancienne culture. La publication du Kalevala et sa traduction française participent à la naissance d’un fort intérêt européen pour le pays qui a produit un poème comparable aux chants épiques anciens. Cependant, le pays nordique le plus connu en Europe (au-delà de la Russie) reste la Suède, grâce à certaines personnalités historiques et littéraires très célèbres dans l’Europe centre-méridionale, comme la reine Christine et le roi Charles XII, le maréchal français Bernadotte ou Carl von Linné.
Le but de ce numéro spécial de Viaggiatori est d’étudier le voyage dans les pays nordiques à travers les siècles et dans l’imaginaire des voyageurs de toute origine et culture. Mais pas seulement.
« Depuis des siècles, les artistes et écrivains du monde occidental imaginent et représentent le monde froid. Lorsque l’on s’y penche de plus près, celui-ci se décline en des imaginaires différenciés – le « Nord », la Scandinavie, le Groenland, l’Arctique, les pôles, voire l’hiver – qui se présentent le plus souvent dans un amalgame s’appuyant sur une simplification des formes – horizontalité – et des couleurs – blanc, bleu pâle, teintes rosées –, sur la présence de la glace, de la neige et de tout le registre du froid, sur des valeurs morales et éthiques – solidarité –, mais aussi, à sa jonction avec un « au-delà » où commence l’Arctique, sur la fin de l’écoumène européen et sur l’ouverture vers un monde « naturel », inconnu, vide, inhabité et éloigné : le Grand Nord. L’ensemble de ces représentations forme un système de signes, que j’appelle ici par commodité « l’imaginaire du Nord ». »
C’est précisément sur ces paroles de Daniel Chartier que nous voulons baser notre réflexion, en ouvrant les études monographiques de ce numéro de Viaggiatori à tous les pays froids et à la poétique de l’attraction du voyageur vers le « boréalisme », ce phénomène magistralement définit ainsi par Sylvain Briens.