Étiquette : Manifestation scientifique

Présentation de l’ouvrage Sous le signe de Saxo : histoire, identité et nation dans la Geste des Danois

Présentation de l’ouvrage Sous le signe de Saxo : histoire, identité et nation dans la Geste des Danois

  • le 09 avril 18h30
  • Bibliothèque nordique, 6 rue Valette, 75005 Paris
  • entrée libre
  • Avec Peter Andersen, Frédérique Harry, Simon Lebouteiller, Caroline Olsson, Christian Bank Pedersen et Jules Piet (dir.)

Dans la plupart des pays européens, la constitution de l’identité nationale est un phénomène dont on situe traditionnellement la naissance entre les XVIIIe et XIXe siècles. Il en est de même pour le Danemark où la perte de la Norvège en 1814 et la défaite de 1864 face à la Prusse et à l’Autriche revêtent une importance toute particulière. Les prémisses de ce phénomène sont toutefois perceptibles dès le Moyen Âge, la Geste des Danois occupant à ce titre une place primordiale.

L’archevêque Absalon commandita cette œuvre que Saxo Grammaticus, chanoine de Lund, commença vers 1180 et acheva vers 1210. La Geste des Danois propose une histoire monumentale des souverains danois sur plus de 2 000 ans. Saxo commence par une préface incluant une description géographique du Nord et consacre ensuite une première partie de son œuvre aux rois mythiques du Danemark en faisant commencer le récit par l’ascension au trône de Dan, le fondateur éponyme de la nation danoise. Dans un second temps, il aborde les règnes successifs des souverains historiques, de Harald à la Dent Bleue, que l’historiographie traditionnelle présente comme l’unificateur et l’évangélisateur du Danemark, à Valdemar le Grand.

Si cette immense fresque latine connaît une diffusion limitée au Moyen Âge, elle bénéficie d’un important regain d’intérêt dès le début de l’époque moderne. Grâce à Saxo, le Danemark se dote d’un glorieux passé et, à certains égards, la Geste des Danois apparaît comme un texte fondateur à l’image de l’Iliade en Grèce, de l’Énéide en Italie, de la Chanson de Roland en France et de la Chanson des Nibelungen en Allemagne. Avec l’édition princeps de 1514, la Geste des Danois devient une référence incontournable pour l’historiographie danoise jusqu’au Siècle des Lumières, tandis qu’elle suscite une lecture plus hostile du côté suédois. 

La Geste des Danois reste aujourd’hui encore une source centrale pour étudier le Danemark médiéval et est à ce titre perçue comme le grand classique du Moyen Âge danois. Elle demeure toutefois une œuvre relativement méconnue à l’étranger, même si elle a inspiré plusieurs réécritures célèbres, en premier lieu les légendes de Guillaume Tell en Suisse et de Hamlet en Angleterre.

‘est dans une perspective résolument interdisciplinaire que cet ouvrage explore l’œuvre de Saxo et ses réinterprétations, entre études médiévales et médiévalisme, histoire et littérature, culture danoise et culture mondiale. Ce moment de présentation reviendra sur l’importance et l’actualité de Saxo pour les Études nordiques et sur la genèse et la réalisation de ce projet, porté par les équipes de recherche ERLIS, LCE, ARCHE  et REIGENN, et soutenu également par l’Université de Caen Normandie, la communauté urbaine de Caen la Mer et Undervisnings- og Forsknings-ministeriet.

L’intégralité de l’ouvrage est disponible en ligne ici.

SOMMAIRE

Medievalisms of the Margins / Les médiévalismes à la marge

Medievalisms of the Margins / Les médiévalismes à la marge

Staging Medieval Memories in Outside Western Europe / Mise en scène des mémoires médiévales en dehors de l’Europe occidentale

Organized by / organisé par Tatiana Victoroff (Université de Strasbourg), Thomas Mohnike (Université de Strasbourg), Giuseppina Giuliano (University of Salerno), Yordan Lyutskanov (Bulgarian Academy of Sciences) and Alexander Medvedev (independent scholar)

Since the 19th century, the Middle Ages have often been made up of mythemes such as castles, forests, princesses, knights and unicorns, which may meet populations living in the desert to the south, decadence or barbarism to the east and savage Vikings to the north on the margins, but the latter act as representatives of the Other, the Stranger. Indeed, these imaginative geographies reflect the European geopolitical and cultural situation of the 19th century, with France and Great Britain at the centre and the rest of Europe in the periphery and even on the margins. In the fictional medieval world, these geographies have changed little to the present day, even when adapted for use in new media. However, from these supposed margins, writers, artists and other cultural mediators have launched projects to update and reuse medieval sources and ideas for their own cultural, aesthetic and political projects. This conference aims to explore the medieval strategies of authors from Eastern, Central and Northern and what was later called East-Central Europe, who often construct their visions of the Middle Ages in tension with the dominant discourses of medievalism.

We are particularly interested in studies that cross the boundaries of traditional disciplines and propose case studies in which actors, artefacts or media from different parts of these supposed margins interact. Such studies might, for example, focus on the function of the Byzantine and Muslim worlds, since the imagined encounter with actors from an even more distant East often serves as an incentive for the dramatic logic of national myths.

Depuis le XIXe siècle, le Moyen Âge est souvent constitué de mythèmes tels que châteaux, forêts, princesses, chevaliers et licornes, qui peuvent rencontrer à la marge des populations vivant dans le désert au sud, la décadence ou la barbarie à l’est et les sauvages vikings au nord, mais ces derniers agissent comme des représentants de l’Autre, de l’Étranger. En effet, ces géographies imaginatives reflètent la situation géopolitique et culturelle européenne du XIXe siècle, avec la France et la Grande-Bretagne au centre et le reste de l’Europe à la périphérie, voire en marge. Dans le monde médiéval fictif, ces géographies ont peu changé jusqu’à aujourd’hui, même lorsqu’elles sont adaptées aux nouveaux médias. Cependant, à partir de ces marges supposées, des écrivains, des artistes et d’autres médiateurs culturels ont lancé des projets visant à actualiser et à réutiliser les sources et les idées médiévales pour leurs propres projets culturels, esthétiques et politiques. Cette conférence vise à explorer les stratégies médiévales des auteurs de l’Est, du Centre et du Nord de l’Europe et de ce qui a été appelé plus tard l’Europe centrale et orientale, qui construisent souvent leurs visions du Moyen Âge en tension avec les discours dominants du médiévalisme.

Nous sommes particulièrement intéressés par les études qui dépassent les frontières des disciplines traditionnelles et proposent des études de cas dans lesquelles interagissent des acteurs, des artefacts ou des médias provenant de différentes parties de ces marges supposées. De telles études pourraient, par exemple, se concentrer sur la fonction des mondes byzantin et musulman, puisque la rencontre imaginée avec des acteurs d’un Orient encore plus lointain sert souvent d’incitation à la logique dramatique des mythes nationaux.

For transmission online, please contact Lucie Bleger (lucie.bleger@etu.unistra.fr) for the link.

Programme en pdf sous ce lien-ci.

Retourner le monde contre lui même : symposium sur la poésie nordique contemporaine : 6-8 mars (Caen-Paris)

Retourner le monde contre lui même : symposium sur la poésie nordique contemporaine : 6-8 mars (Caen-Paris)

Colloque international : « Retourner le monde contre lui-même » : Perspectives critiques sur les poésies nordiques aux XXe et XXIe siècles

SYMPOSIUM ON CONTEMPORARY NORDIC POETRY
Université Caen-Normandie et Paris (Bibliothèque nordique) les 6, 7 et 8 Mars 2025

Deux jours de colloque et deux soirées littéraires à la Mli et à la bibliothèque Alexis de Tocqueville (6 et 7 mars) et un après midi de lectures à la Bibliothèque Nordique à Paris le 8 mars

Retrouvez ci dessous le programme et les intervenants

Poursuivre la lecture « Retourner le monde contre lui même : symposium sur la poésie nordique contemporaine : 6-8 mars (Caen-Paris) »
Peter Andersen, Frédérique Harry, Simon Lebouteiller, Caroline Olsson, Christian Bank Pedersen et Jules Piet (dir.), Sous le signe de Saxo : histoire, identité et nation dans la Geste des Danois, dans la revue Source(s) : Arts, civilisation et histoire de l’Europe, hors-série n°1, 2024

Peter Andersen, Frédérique Harry, Simon Lebouteiller, Caroline Olsson, Christian Bank Pedersen et Jules Piet (dir.), Sous le signe de Saxo : histoire, identité et nation dans la Geste des Danois, dans la revue Source(s) : Arts, civilisation et histoire de l’Europe, hors-série n°1, 2024

Saxo Grammaticus est une figure emblématique de la littérature danoise médiévale. Auteur entre 1180 et 1210 d’une histoire monumentale des rois de Danemark, la Geste des Danois, son œuvre reste aujourd’hui une source de première importance pour étudier les sociétés nordiques anciennes et l’affirmation de la royauté dans cette région. De même, le Danemark se dotait d’une épopée qui, dès l’époque moderne, fut un support pour la formation d’une identité nationale.

Cette publication entend ainsi mettre en lumière la figure de Saxo en tant qu’auteur et historien médiéval, de même que sa réception post-médiévale. Elle comporte en outre la première édition critique des Reges Daniæ, un recueil de distiques composés en 1602 d’après la Geste des Danois par Jon Jacobsen dit le Vénusin à la demande du roi Christian IV et destinés à décorer 100 nouveaux canons.

Les actes, publiés dans la revue Source(s) : Arts, civilisation et histoire de l’Europe, sont intégralement consultables en ligne au lien suivant : https://www.ouvroir.fr/sources/index.php?id=920

Cette publication est issue du colloque Sous le signe de Saxo : Histoire, identité et nation dans la Geste des Danois qui s’était tenu à l’Auditorium du Château de Caen les 23 et 24 juin 2023. Sa réalisation résulte d’une collaboration entre les équipes de recherche ERLIS (Unicaen), ARCHE (Strasbourg), REIGENN (Sorbonne Université), LCE (Lyon 2) et la Høgskulen på Vestlandet (Bergen). 

Les Nords médiévaux. Nouvelles approches et perspectives

Les Nords médiévaux. Nouvelles approches et perspectives

Vous êtes cordialement invité au séminaire doctoral « Les Nords médiévaux. Nouvelles approches et perspectives » coorganisé par Alessia Bauer, Bruno Dumézil, et Pierre-Brice Stahl. La première séance se tiendra lundi 27 janvier entre 17 h 30 et 19 h en Bibliothèque Boutruche (escalier F, deuxième étage) à la Sorbonne (1, rue Victor Cousin).

Séance du 27/01/2025 : Introduction au séminaire

Alessia Bauer (EPHE) : « Les runes et la mer. Recherches actuelles sur l’épigraphie et les récits de voyage »

Bruno Dumézil (Sorbonne Université) : « Mode d’administration des premiers royaumes barbares »

Pierre-Brice Stahl (Sorbonne Université) : « Fonction et autorité de la poésie eddique au XIIIe siècle »

Rencontres littéraires internationales MEETing n°21 “Des histoires de la mer”

Rencontres littéraires internationales MEETing n°21 “Des histoires de la mer”

Chaque année, les Rencontres littéraires internationales Meeting de la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs de Saint-Nazaire sont à la fois thématiques et géographiques. Elles mettent à l’honneur deux littératures étrangères, en novembre 2024 la suédoise et la tunisienne, autour d’un sujet commun : cette fois la mer.
La Suède comme la Tunisie sont bordées par la mer, baltique et méditerranéenne, et leur histoire, pour le meilleur et pour le pire, est inscrite dans cette proximité maritime.

Concernant le domaine suédois, après une première partie à Saint-Nazaire, c’est à Paris et en région parisienne que quatre écrivains suédois, Daniel Gustafsson, Björn Larsson, Jila Mossaed, et Maja Thrane rencontreront le public au cours de trois manifestations autour de la place de la mer dans leurs livres et dans leur vie.

LUNDI 18 NOVEMBRE
18H / Rencontre avec Daniel Gustafsson, Björn Larsson, Jila Mossaed, Maja Thrane.
7 rue de la Sorbonne 75005 Paris
Porte d’accès ex-École Nationale des Chartes
Salle de thèse D308

MARDI 19 NOVEMBRE
18H30 / Rencontre avec Daniel Gustafsson, Björn Larsson, Jila Mossaed, Maja Thrane.
Présentation : Anna Svenbro
Interprète : Françoise Sule
Bibliothèque Nordique, bibliothèque Sainte Geneviève
6 rue Valette 75005 Paris

MERCREDI 20 NOVEMBRE
13H30 / Dialogue avec Björn Larsson et Maja Thrane
Lycée international, Section suédoise
2 bis rue du Fer à Cheval 78105 Saint-Germain-en-Laye

Conférence : Histoire de la chanson à boire en Suède / Föreläsning : Den svenska snapsvisans historia

Conférence : Histoire de la chanson à boire en Suède / Föreläsning : Den svenska snapsvisans historia

Christina Mattsson

Bibliothèque nordique

Le 29 octobre / den 29 oktober 2024

FR – Dans le cadre de l’année thématique 2024 à la Bibliothèque Sainte-Geneviève autour de la gastronomie, la Bibliothèque nordique accueille Christina Mattsson, chercheuse dans le domaine des chansons populaires, productrice à la radio suédoise et ancienne directrice du Musée nordique de Stockholm, pour une conférence sur l’histoire de la chanson à boire en Suède.
🗓️ Le 29 octobre à 18h30, salle de lecture de la Bibliothèque nordique.
Vous êtes chaleureusement invités à venir l’écouter, et chanter avec nous !

SE – Inom ramen för Bibliothèque Sainte-Genevièves temaår om gastronomi tar Bibliothèque nordique emot Christina Mattsson, svensk folklorist, visforskare och författare, producent på Sveriges Radio och tidigare styresman för Nordiska museet i Stockholm, för en föreläsning om svenska snapsvisans historia.
🗓️ Den 29 oktober kl. 18.30, Bibliothèque nordiques läsesal.
Ni är alla hjärtligt välkomna för att lyssna på och sjunga med oss!

The Aarhus Old Norse Mythology Conference

The Aarhus Old Norse Mythology Conference

Eddic Poetry : Function and Authority

21st-22nd November 2024, University of Strasbourg

Salle de conférence de la MISHA, allée du Général Rouvillois — Strasbourg

Organised by Guillaume Ducœur (University of Strasbourg) & Pierre-Brice Stahl (Sorbonne University)

Entrance is free, but registration is required. Please confirm your attendance by sending an email to the following address: pierrebricestahl[at]gmail.com.

L’entrée est gratuite, mais l’inscription est requise. Merci de confirmer votre participation en envoyant un courriel à l’adresse suivante : pierrebricestahl[at]gmail.com.

Program :

Séminaire de recherche – Les féministes nordiques n’ont pas froid aux yeux

Séminaire de recherche – Les féministes nordiques n’ont pas froid aux yeux

Savez-vous pourquoi les féministes nordiques n’ont pas froid aux yeux ?

Le séminaire de recherche sur le féminisme dans les productions nordiques contemporaines organisé par Frédérique Toudoire-Surlapierre se tiendra le vendredi 4 octobre 2024 de 9h30 à 11h dans la salle 310 du Centre Malesherbes de Sorbonne Université (108 Bd Malesherbes, 75017, Paris).

Les intervenantes seront Marie-Laure Delaporte de l’Université Paris-Nanterre et Minhee Kim de l’Université Paris 8. 

Colloque international “Feu (sur) le canon”, Sorbonne Université, Paris, France. 19-21 juin 2025

Colloque international “Feu (sur) le canon”, Sorbonne Université, Paris, France. 19-21 juin 2025

Le concept de canon littéraire est profondément paradoxal. Si l’existence du canon ou de canons n’est généralement pas remise en cause, la définition même de la notion est fluctuante et ses contours, c’est-à-dire ce que l’on considère comme relevant du canon, ne font pas, loin s’en faut, objet de consensus. Désignant un ensemble de textes au statut presque sacré et aux qualités littéraires aussi incontestables qu’inégalées, le canon représente aussi les œuvres perçues comme pionnières dans l’établissement et la mise en œuvre d’une esthétique donnée. Ayant fonction de modèles et de cadres normatifs, elles appellent une postérité soucieuse d’en respecter les codes. Sont également considérées « canoniques » les œuvres qui constituent les fondations mêmes d’une culture littéraire noble et dont la lecture est incontournable. Connaître ces textes et en reconnaître les vertus sont dès lors des marques d’appartenance culturelle – et, plus largement, sociale. 

Aussi commodes ces définitions soient-elles, en occultant le rôle du temps et de l’espace, elles postulent toutefois de façon trompeuse la stabilité du canon. Celui-ci, en d’autres termes, se structure autour des principes en réalité toujours inatteignables de l’identité à soi et de l’immuabilité. Toutefois, ce qu’est le canon littéraire et quelles œuvres et auteur(e)s il recouvre est indissociable de la chronologie et du lieu. Comme le font observer Didier Alexandre et Michael Bernsen : « Le canon des érudits du XVIème siècle diffère de celui du XXème siècle, sans que l’on puisse réduire ces différences à la seule référence au monde culturel gréco-latin » (Alexandre et Bernsen 2017, 7). 

À rebours de ce qu’avance Harold Bloom, héraut de la canonicité masculine et occidentale, l’on peut affirmer que la liste ouverte et souvent remaniée des œuvres et auteurs canoniques varie d’un moment et d’un lieu à l’autre du monde et pas seulement du monde occidental. S’il existe bel et bien un canon, produit quelque peu flou ou (plus positivement) dynamique de la littérature, il ne peut être conçu indépendamment des forces qui lui confèrent (pour un temps) forme et autorité, c’est-à-dire de ce que l’on peut appeler métaphoriquement « la fabrique du canon ». Pour l’historienne de l’art Griselda Pollock, la canonicité repose principalement sur deux arguments spécieux (Pollock 1999, 3-21; 2007, 45-69). Le premier est que la qualité des œuvres élevées au canon serait révélée spontanément, évidente et qu’elle serait, dès lors, universelle. Le second est que l’inclusion d’un auteur dans le cercle prestigieux des écrivains canoniques résulterait purement d’un accomplissement individuel exceptionnel. Ces principes cachent habilement que ce sont, de fait, des acteurs tiers qui, en toute subjectivité et pour des motifs idéologiques, catapultent œuvres et auteurs au rang de modèles. Pollock ajoute ainsi que les faiseurs de canon et les auteurs qu’ils ont promus sont très majoritairement des hommes blancs et hétérosexuels et que le canon constitué sert à la fois de symbole et de rempart de leur pouvoir.

Qui ou qu’est-ce qui est à l’œuvre dans la création du canon littéraire, en d’autres termes, quels sont les rouages qui font tourner la fabrique du canon ? Dans le sillage de ses six journées d’étude (2023-2025), le colloque final du projet Canon Factory cherchera, dans un premier questionnement, à approfondir l’analyse des institutions et des personnes impliquées dans la formation du canon dans les quatre aires linguistiques et culturelles choisies comme champs exploratoires : les littératures anglophones, germanophones, néerlandophones et nordiques. 

Avec l’arrivée des études féministes, postcoloniales, queer et sur le genre, le canon et ceux qui le font ont été au cœur de ce que Pollock appelle des « guerres culturelles ». La critique de leur hégémonie, menée par des groupes marginalisés et désireux d’être reconnus, ce que David Fishelov (Fishelov 2010, 30-43) appelle l’opposition entre le « camp du beau » et le « camp du pouvoir » (« the beauty  party» et « the power  party»), s’est accompagnée du désir de voir légitimé(e)s des auteur(e)s et des productions jusqu’alors exclu(e)s de la littérature. De nouvelles formes et esthétiques sont apparues dans le champ du littéraire et, à la faveur d’un mouvement anti-élitaire contestant le modèle humaniste libéral d’éducation par le livre canonique (Löffler, 2017, 7), leur valeur a été plus largement reconnue, au-delà même des cercles autorisés de la critique. Ce mouvement a sans doute aussi permis l’émergence d’un canon réel recouvrant les œuvres lues véritablement, distinctes de celles du canon idéel. Ce canon de fait serait ainsi voué à être, selon Christine Meyer, « le produit transitoire d’un processus en cours qui cherche à développer et rénover la liste des œuvres de référence (‘Kanonbildung’) » (« the transitory fruit of an ongoing process of development and renovation of the works of reference (‘Kanonbildung’) », Meyer 2023, 29).

Qu’elle soit idéologique, esthétique, ou les deux, la critique du canon et la reconnaissance progressive de voix et de textes jusqu’alors marginalisés voire ostracisés constitueront le second axe de recherche du colloque. Ce dernier permettra de mettre l’accent sur des évolutions relativement récentes et abordera plus spécifiquement les littératures post- et décoloniales, LGBTQAI+, performées (des expérimentations théâtrales radicales jusqu’au spoken word et au slam poétique) de même que la bande dessinée et les romans graphiques. Qu’advient-il lorsque la fabrique du canon a été remise en question ?

Dans un récent article paru sous le titre « Do We Need To Dismantle the Literary Canon? » dans le Guardian, l’enseignant, journaliste et essayiste Jeffrey Boakye affirme qu’en ce qui concerne les programmes scolaires de littérature, il serait tentant de faire table rase du canon patriarcal et blanc et d’ « opérer un retour de balancier qui, s’éloignant de tous ces hommes blancs, vieux et valides, les remplace par quelques chose de différent, ‘d’autre’, par des auteur(e)s marginalisé(e)s en raison de leur genre, leur ethnicité, leur classe, leur orientation sexuelle et la façon dont on les racise » (« make the pendulum swing away from all those stale, pale, able-bodied males and replace them with something different, something ‘other’, authors who have been marginalised by race, gender, ethnicity, class and sexuality ».) Moins radical, le mode opératoire qu’il propose invite à ménager une place importante à la subjectivité et à l’expérience vécue des enseignant(e)s pour choisir les œuvres proposées à leurs élèves. Cette démarche libératoire décloisonne le canon pour y inclure des textes de tous horizons, attendu que le programme doit être « tout ce que nous voulons qu’il soit » (« anything we want it to be »). Il s’agit selon lui de dénicher, collecter et faire dialoguer entre eux de manière inattendue des textes choisis personnellement pour faire émerger « quelque chose de nouveau » (« something new ») (The Guardian, 12 juin 2023). 

Mais qu’est-ce précisément que cette « chose nouvelle » ? Suppose-t-elle ou non une opposition frontale au canon des œuvres consacrées et à la culture dite légitime ? Il s’agit là de la troisième aire que le colloque cherchera à circonscrire en s’intéressant à la création de canons nouveaux et alternatifs et en posant une question connexe : est-il ou non possible de penser le littéraire sans canon ? Quelles sont les stratégies auxquelles recourent les auteur(e)s qui refusent d’être associé(e)s à un nouveau mouvement de canonisation, notamment parce que, comme le rappelle Henry Louis Gates Jr. en le désacralisant, le canon est aussi « le livre de lieux communs de notre culture partagée » (« the commonplace book of our shared culture », Gates 1992, 21) ? S’ils se maintiennent dans une position marginale, n’en viennent-ils pas cependant et paradoxalement à affirmer leur auto-canonisation ?

Nous accueillerons des communications de 30 minutes en anglais ou en français consacrées à l’une ou l’autre des aires linguistiques et culturelles du projet ou, dans une perspective comparatiste, à plusieurs simultanément. Sans s’y limiter nécessairement, les travaux pourront porter sur :

  •  le / les processus de canonisation : analyses diachroniques du canon et de ses fluctuations ; l’influence des prix et récompenses littéraires, des maisons d’édition, des programmes scolaires et universitaires, des anthologies, des académies et canons nationaux ; la canonicité et les média / les réseaux sociaux
  • la remise en cause du canon : « guerres culturelles » et guerres du canon, origines, formes, étendue ; « l’Empire vous répond », littérature postcoloniale, pratique décoloniale, littérature de la (post)migration ; visibilité accrue d’auteur(e)s et formes tenu(e)s jusqu’alors pour non canoniques : écriture expérimentale, littérature performée, œuvres LGBTQAI+, œuvres inter- ou multimédiales (bande dessinée, roman graphique), textes recourant aux sociolectes / dialectes 
  • nouveaux canons : nouvelles formes et leur institutionnalisation, leur marchandisation, le succès populaire et la critique ; redéfinition du champ du littéraire ; négation radicale du canon ou définition de nouveaux paradigmes de canonicité ; stratégies de résistance à la canonicité ; revendication de marginalité.

Bibliographie indicative :

Ahmed, Sara. On Being Included: Racism and Diversity in Institutional Life. Durham: Duke University Press, 2012.

Algee-Hewitt, Mark et Mark McGurl. “Between Canon and Corpus: Six Perspectives on 20th-Century Novels.” Pamphlets of the Stanford Literary Lab, 2015. https://litlab.stanford.edu/LiteraryLabPamphlet8.pdf. Consulté le 20 septembre 2024.

Assmann, Aleida. „Kanonforschung als Provokation der Literaturwissenschaft.“ In Von Heydebrand, Renate, ed. Kanon Macht Kultur, Theoretische, historische und soziale Aspekte ästhetischer Kanonbildungen. DFG-Symposion 1996. Heidelberg: Metzler, 1998. 47-59.

Bezzola Lambert, Ladina et Andrea Ochsner. Moment to Monument: The Making and Unmaking of Cultural Significance. Bielefeld: Transcript; New Brunswick, NJ: Transaction Publishers, 2009.

Bloom, Harold. The Western Canon: The Books and Schools of the Ages. New York: Harcourt & Brace, 1994. 

Boakye, Jeffrey. “Do We Need To Dismantle the Literary Canon?” The Guardian, June 12, 2023. 

Bourguignon Annie, Konrad Harrer and Franz Hintereder-Emde, eds. Zwischen Kanon und Unterhaltung: interkulturelle und intermediale Aspekte von hoher und niederer Literatur / Between Canon and Entertainment : Intercultural and Intermedial Aspects of Highbrow and Lowbrow Literature. Berlin: Frank & Timme, 2016.

Brodersen, Randi Benedikte, ed. Kanonisk selskabsleg i nordisk litteratur. Copenhague: Nordisk Ministerråd, 2013. 

Canon et mémoire culturelle. Œuvres canoniques et postéritéÉtudes Germaniques 62.3 (2007). 

Didier, Alexandre et Michael Bernsen, eds. Un canon littéraire européen? : Actes du colloque international de Bonn des 26, 27 et 28 Mars 2014 ; A European Literary Canon? Acts of the Bonn International Colloquium of 26, 27 and 28 March 2014. Janvier 2017. https://www.europaeische-kulturen.uni-bonn.de/medien-europaeische-kulturen/1_alexandre-bernsen-introduction.pdf. Consulté le 20 septembre 2024. 

Fishelov, David. Dialogues with/and-Great Books: The Dynamics of Canon Formation. Brighton: Sussex Academic Press, 2010.

Gates, Henry Louis Jr. “The Master’s Pieces: On Canon Formation and the African American Tradition.” In Loose Canons: Notes on the Culture Wars. Oxford: Oxford University Press, 1992. 17-42.

Gauthier, Vicky, Camille Islert et Martine Reid. “‘Faire éclater le canon, arriver à un discours commun sur la littérature.’” GLAD! Revue sur le langage, le genre, les sexualités 12 (juillet 2022). DOI : https://doi.org/10.4000/glad.4585. Consulté le 20 septembre 2024.

Goldstein, Claudia: “Comics and the Canon: Graphic Novels, Visual Narrative, and Art History.” In Teaching the Graphic Novel. Ed. Stephen E. Tabachnick. New York: Modern Language Association of America, 2009. 254‑261.

Heede, Dag, Anne Heith et Ann-Sofie Lönngren, eds. Rethinking National Literatures and the Literary Canon in Scandinavia. Cambridge: Cambridge Scholars Publishing, 2015. 

Huggan, Graham. The Postcolonial Exotic: Marketing the Margins. London and New York: Routledge, 2001.

Jagne-Soreau, Maïmouna. “I don’t write about me, I write about you.” Postmigration Studies 4 (2021): 161-179.

Kiguru, Doseline. “Literary Prizes, Writers’ Organisations and Canon Formation in Africa.” African Studies 75.2 (August 2016): 202-214. DOI :https://doi-org.janus.bis-sorbonne.fr/10.1080/00020184.2016.1182317. Consulté le 20 septembre 2024.

Körber, Lill-Ann et Ebbe Volquardsen, eds. The Postcolonial North Atlantic: Iceland, Greenland and the Faroe Islands. Berlin: Nordeuropa-Institut der Humboldt-Universität, 2014.

Langgård, Karen. From Oral Tradition to Rap: Literatures of the Polar North. Ilisimaturarfik: Forlaget Atuagkat, 2011. 

Larsen, Peter Stein. “Nordisme, kanonisering og kvalitetskriterier: Tre vinkler på Nordisk Råds Litteraturpris.”Reception 78 (2019): 29-39.

Löffler, Philipp. “Introduction: The Practices of Reading and the Need for Literary Value.” In Reading the Canon: Literary History in the 21st Century. Ed. Philipp Löffler. Heidelberg: Universitätsverlag Winter, 2017. 1-20.

Loman, Andrew. “‘That Mouse’s Shadow’: The Canonization of Spiegelman’s Maus.” In The Rise of the American Comics Artist: Creators and Context. Ed. Paul Williams and James Lyons. Jackson: University Press of Mississippi, 2010. 210-234.

Malkani, Fabrice, Anne-Marie Saint-Gille et Ralf Zschachlitz, eds. Canon et identité culturelle. Élites, masses, manipulation. Saint-Étienne : Publications de l’université de Saint-Étienne, 2010.

Malkani, Fabrice et Ralf Zschachlitz, eds. Pour une réelle culture européenne ? Au-delà des canons culturels et littéraires nationaux. Paris : L’Harmattan (« coll. De l’Allemand »), 2012.

Meyer, Christine. Questioning the Canon: Counter-Discourse and the Minority Perspective in Contemporary German Literature. 2021. Berlin and Boston: De Gruyter, 2023.

Olusegun-Joseph, Yomi. “Canons and Margins: Contemporary Nigerian Writing, Father-Surveillance Criticism and Kindred Economies of Othering.” African Studies Quarterly 20.2 (2021): 62-79. https://asq.africa.ufl.edu/wp-content/uploads/sites/168/V20i2a4.pdf. Consulté le 20 septembre 2024.

Mukherjee, Ankhi. What Is a Classic? Postcolonial Rewriting and Invention of the Canon. Stanford: Stanford University Press, 2014.  

Pollock, Griselda. “Des canons et des guerres culturelles.” Trad. Séverine Sofio et Perin Emel Yavuz. Les cahiers du genre 43.2 (2017): 45-69.

Pollock, Griselda. Differencing the Canon: Feminist Desire and the Writing of Art’s Histories.London and New York: Routledge, 1999. 3-21.

Ponzanesi, Sandra. The Postcolonial Cultural Industry: Icons, Markets, Mythologies. Houndmills: Palgrave Macmillan, 2014.

Ripple, Gabriele et Simone Winko, eds. Handbuch Kanon und Wertung. Theorien, Instanzen, Geschichte. Heidelberg: Metzler, 2013.

Thomsen, Mads Rosendahl. Mapping World Literature: International Canonization and Transnational Literatures. Bloomsbury Publishing, 2008.

Van Alphen, Ernst and Maaike Meijer, eds. De canon onder vuur. Nederlandse literatuur tegendraads gelezen. Amsterdam: Van Gennep, 1991.

Van Deinsen, Lieke, Anthe Sevenants et Freek Van de Velde. De Nederlandstalige literaire canon(s) anno 2022. Een enquête naar de literaire klassiekenRapportage. Gent: Koninklijke Academie voor Nederlandse Taal en Letteren, 2022.  https://ctb.kantl.be/assets/files/pages/files/De_Nederlandstalige_literaire_canon(s)_anno_2022_-_Een_enquête_naar_de_literaire_klassieken_Rapport_(voorpublicatie).pdf. Consulté le 20 septembre 2024.

Von Heydebrand, Renate, ed. Kanon Macht Kultur. Theoretische, historische und soziale Aspekte ästhetischer Kanonbildungen. DFG-Symposion 1996. Heidelberg: Metzler, 1998.

Vrouwen en de canon. Nederlandse Letterkunde 2.3 (1997).  https://www.dbnl.org/tekst/_ned021199701_01/_ned021199701_01_0020.php. Consulté le 20 septembre 2024.

Weinmann, Frédéric et Ralf Zschachlitz, eds. Canon et traduction dans l’espace franco-allemandCahiers d’Études Germaniques 59 (2011).

Calendrier de soumission :

  • Merci d’adresser d’ici au 16 décembre 2024 une proposition de communication en 400 mots maximum en français ou en anglais (Times New Roman 12 ; espace simple ; entièrement justifiée) ainsi qu’un titre provisoire, le nom complet de l’auteur.e, son affiliation institutionnelle et une courte notice bio-bibliographique à l’adresse canon_factory@sorbonne-universite.fr
  • Confirmation des propositions retenues après avis du comité scientifique : 24 janvier 2025.
  • Par ailleurs, les communiquant.e.s seront invité.e.s à soumettre leurs textes en anglais (qu’ils aient ou non été présentés dans cette langue au colloque) en vue d’une évaluation en double aveugle et publication. La date limite pour l’envoi des articles est fixée au 1er septembre 2025.

Conférencier.e.s invité.e.s :

  • Pr. Ulrike Draesner, Universität Leipzig ;
  • Pr. Michelle Keown, University of Edinburgh ;
  • Pr. Thomas Mohnike, Université de Strasbourg.

Artiste invitée :

Parisa Akbarzadehpoladi (arts visuels ; NL).

Comité d’organisation :

  • Dr Kim Andringa (études néerlandophones ; REIGENN) ;
  • Dr Sylvie Arlaud (études germaniques ; REIGENN) ;
  • Dr Alessandra Ballotti (études nordiques ; REIGENN) ;
  • Pr Bernard Banoun (études germaniques ; REIGENN) ;
  • Dr Jaine Chemmachery (études anglophones ; VALE) ;
  • Dr Éric Chevrel (études germaniques ; REIGENN) ;
  • Dr Guillaume Fourcade (études anglophones ; VALE) ;
  • Arina Giliazova (chargée de médiation scientifique) ;
  • Dr Jean-François Laplénie (études germaniques ; REIGENN) ;
  • Dr Benjamine Toussaint (études anglophones ; VALE).

Comité scientifique :

  • Pr Jacqueline Bel (études néerlandophones ; Vrije Universiteit, Amsterdam) ;
  • Dr Cédric Courtois (études anglophones ; CECILLE, Lille) ;
  • Dr Bastien Goursaud (études anglophones ; CERCLL, Amiens) ;
  • Dr HDR Christine Meyer (études germaniques ; CERCLL, Amiens) ;
  • Pr Dan Ringgaard (études nordiques, Aarhus).
Thème : Superposition par Kaira.